jeudi 24 mai 2012

V. DESPRET le 2 juin 2012


La dernière séance, pour cette année académique, du groupe de travail sur les animaux des Archives Husserl se déroulera

le samedi 2 juin, de 14h à 16h00


à l'Ecole Normale Supérieure, 45 rue d'Ulmsalle Celan.




Nous aurons le plaisir d'accueillir Vinciane Despret, philosophe, pour parler de son dernier ouvrage, Que diraient les animaux, si... on leur posait les bonnes questions ?, paru aux éditions de La Découverte.
Vous trouverez ci-dessous un résumé de l'exposé. Le séminaire est ouvert à tous.



Quand l'animal (ad)vient à la perspective


Lors de la préparation du livre « Penser comme un rat », des scientifiques, à qui étaient soumis les résultats de l’enquête qui devait conduire à sa rédaction, ont suggéré de préciser, avant de l’appliquer à l’animal, ce que voulait dire « penser ». Cette suggestion aurait dû avoir pour conséquence soit d’utiliser un autre terme pour le rat, soit de restreindre les significations au terme « penser », afin que les deux référents, la manière dont un rat pense et la manière dont un humain pense, se recouvrent exactement.

Résidait, au coeur de cette réticence, le terme problématique « comme » : il laisse supposer la similitude acquise et les sens fixés. Le terme « comme » induit le malaise, et peut toujours renvoyer à l’idée de subjectivités qui s’échangeraient sur un mode qui « va de soi ». Le terme « avec » aurait constitué, à cet égard,  une solution, d’autant plus intéressante que « penser avec » induit des obligations, éthiques et épistémologiques.

Or, si penser « avec » ne présuppose pas a priori, de penser « comme », le contraire en revanche s’avère difficilement praticable : pour penser « comme », il faut souvent en passer par penser « avec », et le faire d’une manière qui l’autorisera. Ce qui implique alors que la signification du terme « penser » ne préexiste pas à cette mise à  l’épreuve.
Comment cet « avec » se construit-il de telle sorte à activer la possibilité de l’analogie ? C’est à la manière dont ce passage s’effectue dans certaines situations au cours desquelles des personnes s’occupant d’animaux (éleveurs, dresseurs ou scientifiques) tentent, non seulement de comprendre leur point de vue mais de tenir compte du fait que les animaux s’attèlent à la même tâche, que je propose de nous intéresser, en articulant la spécificité de ces expériences à la possibilité des êtres impliqués d’échanger des « perspectives ».  

Il en ressort, à l’analyse, que ces opérations sont créatrices de compétences : la perspective ne précède pas la relation dans laquelle hommes et animaux s’accordent, pensent, font, l’un « avec » l’autre. Au contraire, c’est par, et au travers de cette expérience et dans la relation que humains et animaux deviennent « perspectivistes ».